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MÉMOIRES

toit de faire des actions de saint Ambroise, il en falloit faire la vie. Comme il affecta d’élever sa voix en cet endroit, pour se faire entendre de deux ou trois prélats qui étoient au bout de la chambre, j’affectai aussi de ne pas baisser la mienne pour lui repartir. « J’essaierai, monsieur, lui dis-je, de profiter de l’avis que Votre Eminence me donne ; mais je vous dirai qu’en attendant je fais état d’imiter saint Ambroise dans l’occasion dont il s’agit, afin qu’il obtienne pour moi la grâce de le pouvoir imiter en toutes les autres. » Le discours finit assez aigrement, et je sortis ainsi du Palais-Royal.

M. le maréchal d’Estrées et M. de Senneterre[1] vinrent chez moi au sortir de table, munis de toutes les figures de rhétorique, pour me persuader que la dégradation étoit honorable. Comme ils n’y réussirent pas, ils m’insinuèrent que Monsieur pourroit bien venir aux voies de fait, et me faire enlever par ses gardes pour me faire mettre à Notre-Dame au dessous de lui. La pensée m’en parut si ridicule, que je n’y fis pas d’abord beaucoup de réflexion. L’avis m’en étant donné le soir par M. de Choisy, chancelier de Monsieur, je me mis de mon côté très-ridiculement sur la défensive : car vous pouvez croire qu’elle ne pouvoit être en aucun sens judicieuse contre un fils de France, dans un temps calme, et où il n’y avoit pas seulement apparence de mouvement. Cette sottise est, à mon avis, la plus grande que j’aie faite en ma vie ; elle me réussit néanmoins. Mon audace plut à M. le duc, de qui j’avois l’honneur d’être parent, et

  1. Henri de Saint-Nectaire, second du nom, dit Senneterre, duc de La Ferté-Nahert, maréchal de France en 1651, mort en 1681. (A. E.)