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MÉMOIRES

liers : Ondedeï[1] m’a dit que le cardinal s’étoit moqué avec lui, à ce propos, de la légèreté des Français ; et il m’ajouta en même temps qu’au bout de quatre mois il s’admira lui-même ; qu’il s’érigea dans son opinion en Richelieu, et qu’il se crut même plus habile que lui. Il faudroit des volumes pour vous raconter toutes ses fautes, dont les moindres étoient d’une importance extrême, par une considération qui mérite une observation particulière.

Comme il marchoit sur les pas du cardinal de Richelieu, qui avoit achevé de détruire toutes les anciennes maximes de l’État, il suivoit son chemin, qui étoit de tous côtés bordé de précipices que le cardinal de Richelieu n’avoit pas ignorés ; mais il ne se servoit pas des appuis par lesquels le cardinal de Richelieu avoit assuré sa marche. J’expliquerai ce peu de paroles, qui comprend beaucoup de choses, par un exemple. Le cardinal de Richelieu avoit affecté d’abaisser tous les corps ; mais il n’avoit pas oublié de ménager les particuliers. Cette idée suffit pour vous faire concevoir tout le reste : ce qu’il y eut de merveilleux fut que tout contribua à le tromper lui-même. Il y eut toutefois des raisons naturelles de cette illusion ; et vous en avez vu quelques-unes dans la disposition où je vous ai marqué ci-dessus qu’il avoit trouvé les affaires, les corps et les particuliers du royaume. Mais il faut avouer que cette illusion fut très-extraordinaire, et qu’elle passa jusqu’à un grand excès.

Le dernier point d’illusion en matière d’État est une espèce de léthargie qui n’arrive jamais qu’après de grands symptômes. Le renversement des anciennes

  1. Depuis évêques de Fréjus. (A. E.)