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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

madame, que tout le monde parlât avec autant de sincérité que M. le coadjuteur ! Il craint pour son troupeau, il craint pour la ville, il craint pour l’autorité de Votre Majesté. Je suis persuadé que le péril n’est pas au point qu’il se l’imagine ; mais le scrupule sur cette matière est en lui une religion louable. » La Reine, qui entendit le jargon du cardinal, se remit tout d’un coup : elle me fit des honnêtetés ; et je répondis par un profond respect et par une mine si niaise, que La Rivière dit à l’oreille à Bautru, de qui je le sus quatre jours après : « Voyez ce que c’est que de n’être pas jour et nuit en ce pays-ci ! Le coadjuteur est homme du monde, il a de l’esprit : il prend pour bon ce que la Reine vient de lui dire, » La vérité est que tout ce qui étoit dans ce cabinet jouoit la comédie. Je faisois l’innocent, et je ne l’étois pas, au moins en ce fait. Le cardinal faisoit l’assuré, et il ne l’étoit pas autant qu’il le paroissoit. Il y eut quelques momens où la Reine contrefit la douce, et elle ne fut jamais plus aigre. M. de Longueville témoignoit de la tristesse, et il étoit dans une joie sensible, parce que c’étoit l’homme du monde qui aimoit le plus le commencement de toutes les affaires. M. d’Orléans faisoit l’empressé et le passionné en parlant à la Reine. Je ne l’ai jamais vu siffler avec plus d’indolence qu’il fit une demi-heure après, en entretenant Guerchi dans la petite chambre grise. Le maréchal de Villeroy faisoit le gai, pour faire sa cour au ministre ; et il m’avouoit en particulier, les larmes aux yeux, que l’État étoit sur le bord du précipice. Bautru et Nogent bouffonnoient, et représentoient, pour plaire à la Reine, la nourrice du vieux