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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

Cet homme avoit une sorte d’éloquence qui lui étoit particulière. Il ne connoissoit point d’interjections, il n’étoit pas congru dans sa langue : mais il parloit avec une force qui suppléoit à tout cela ; et il étoit naturellement si hardi qu’il ne parloit jamais si bien que dans le péril. Il se passa lui-même lorsqu’il revint au Palais-Royal ; et il est constant qu’il toucha tout le monde, à la réserve de la Reine, qui demeura inflexible.

Monsieur fit mine de se jeter à genoux devant elle ; quatre ou cinq princesses, qui trembloient de peur, s’y jetèrent effectivement. Le cardinal, à qui un jeune conseiller des enquêtes avoit dit en raillant qu’il seroit assez à propos qu’il allât lui-même dans les rues voir l’état des choses ; le cardinal, dis-je, se joignit au gros de la cour, et l’on tira enfin à toute peine cette parole de la bouche de la Reine : « Hé bien ! messieurs du parlement, voyez donc ce qu’il est à propos de faire. » On s’assembla dans la grande galerie ; on délibéra, et l’on donna arrêt par lequel il fut ordonné que la Reine seroit remerciée de la liberté accordée aux prisonniers.

Aussitôt que l’arrêt fut rendu, on expédia des lettres de cachet. Le premier président montra au peuple les copies qu’il avoit prises en forme de l’un et de l’autre ; mais l’on ne voulut pas quitter les armes que l’effet ne s’en fût ensuivi. Le parlement même ne donna point d’arrêt de les faire poser qu’il n’eût vu Broussel dans sa place. Il y revint le lendemain, ou plutôt il y fut porté sur la tête des peuples avec des acclamations incroyables ; l’on rompit les barricades, l’on ouvrit les boutiques, et en moins de deux heures