Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
277
DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

mais je savois en même temps que cet enfant étoit prince du sang. Je ne voulois qu’un nom pour animer ce qui sans nom n’étoit qu’un fantôme. Je me répondois de M. de Longueville, qui étoit l’homme du monde qui aimoit le mieux le commencement de toutes les affaires. J’étois d’ailleurs fort assuré que le maréchal de La Mothe[1], enragé contre la cour, ne se détacheroit point de M. de Longueville, à qui il avoit été attaché vingt ans durant par une pension qu’il avoit voulu lui-même retenir par reconnoissance, encore qu’il eût été fait maréchal de France. Je voyois M. de Bouillon très-mécontent, et presque réduit à la nécessité, par le mauvais état de ses affaires domestiques, et par les injustices que la cour lui faisoit. J’avois considéré tous ces gens-là, mais je ne les avois considérés que dans une perspective éloignée, parce qu’il n’y en avoit aucun de tous ceux-là qui fût capable d’ouvrir la scène. M. de Longueville n’étoit bon que pour le second acte ; le maréchal de La Mothe, bon soldat, mais de très-petit sens, ne pouvoit jamais jouer le premier personnage. M. de Bouillon l’eût pu soutenir, mais sa probité étoit plus problématique que son talent ; et j’étois bien averti de plus que madame sa femme[2], qui avoit un pouvoir absolu sur son esprit, n’agissoit en quoi que ce soit que par les mouvemens d’Espagne. Vous ne vous étonnez pas sans doute de ce que je n’avois pas fixé des vues aussi vagues et aussi brouillées que celles-là, et de ce

  1. Philippe de La Mothe-Houdancourt, mort en 1657. (A. E.)
  2. Léonore-Catherine-Féronie de Berg, Glle de Frédéric, comte de Berg, gouverneur de Frise. Elle mourut à Paris en 1657. (A. E.)