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[1649] MÉMOIRES

datée de Rouen, par laquelle il m’assuroit qu’il arrivoit le soir de ce jour-là à Paris.

Aussitôt que le Roi fut sorti, les bourgeois, d’eux-mêmes et sans ordre, se saisirent de la porte Saint-Honoré ; et dès que l’argentier de la Reine fut sorti de chez moi, je mandai à Brigalier d’occuper avec sa compagnie celle de la Conférence. Le parlement s’assembla au même temps avec un tumulte de consternation : et je ne sais ce qu’ils eussent fait, tant ils étoient etfarés, si l’on n’eût trouvé le moyen de les animer par leur propre peur. Je l’ai observé mille fois : il y a des espèces de frayeurs qui ne se dissipent que par des frayeurs d’un plus haut degré. Je priai Vedeau, conseiller, que je fis appeler dans le parquet des huissiers, d’avertir la compagnie qu’il y avoit à l’hôtel-de-ville une lettre du Roi[1], par laquelle il donnoit part au prévôt des marchands et aux échevins des raisons qui l’avoient obligé à sortir de sa bonne ville de Paris qui étoient en substance : que quelques officiers de son parlement avoient intelligence avec les ennemis de l’État, et qu’ils avoient même conspiré de se saisir de sa personne. Cette lettre, jointe à la connoissance que l’on avoit que le président Le Féron, prévôt des marchands, étoit tout-à-fait dépendant de la cour, émut toute la compagnie au point qu’elle se la fît apporter sur l’heure même, et qu’elle donna arrêt par lequel il fut ordonné que les bourgeois prendroient les armes ; que l’on garderoit les portes

  1. Une lettre du Roi : Madame de Motteville donne dans ses Mémoires le texte de la lettre du Roi, adressée, le 5 janvier 1649, au prévôt des marchands et aux échevins de la ville de Paris. (Tome 38, page 144, deuxième série.)