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[1649] MÉMOIRES

son mérite, c’est un défaut ; mais il est rare, mais il est beau. M. de Longueville avoit, avec le beau nom d’Orléans, de la vivacité, de l’agrément, de la dépense, de la libéralité, de la justice, de la valeur, de la grandeur ; et il ne fut jamais qu’un homme médiocre, parce qu’il eut toujours des idées qui furent infiniment au dessus de sa capacité. Avec la capacité et les grands desseins, l’on n’est jamais compté pour rien : quand on ne les soutient pas, l’on n’est pas compté pour beaucoup, et c’est ce qui fait le médiocre.

M. de Beaufort n’en étoit pas jusqu’à l’idée des grandes affaires : il n’en avoit que l’intention. Il en avoit ouï parler aux importans, et il avoit un peu retenu de leur jargon ; et cela, mêlé avec les expressions qu’il avoit tirées très-fidèlement de madame de Vendôme, formoit une langue qui auroit déparé le bon sens de Caton. Le sien étoit court et lourd, et d’autant plus qu’il étoit obscurci par la présomption. Il se croyoit habile, et c’est ce qui le faisoit paroître artificieux, parce que l’on connoissoit d’abord qu’il n’avoit pas assez d’esprit pour cette fin. Il étoit brave de sa personne, et plus qu’il n’appartient à un fanfaron ; il l’étoit en tout sans exception, et jamais plus faussement qu’en galanterie. Il parloit, il pensoit comme le peuple, dont il fut l’idole quelque temps. Vous en verrez les raisons.

M. d’Elbœuf n’avoit du cœur que parce qu’il est impossible qu’un prince de la maison de Lorraine n’en ait point. Il avoit tout l’esprit qu’un homme qui a beaucoup plus d’art que de bon sens peut avoir : c’étoit le galimatias du monde le plus fleuri. Il a été