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[1649] MÉMOIRES

tre, ne se fussent pas repentis d’avoir été d’un sentiment qu’ils eussent cru leur avoir été inspiré par un autre. Le président de Mesmes voulut repartir à ce que j’avois dit ; mais il fut presque étouffé par la clameur qui s’éleva dans les enquêtes. Cinq heures sonnèrent ; personne n’avoit dîné et beaucoup n’avoient pas déjeûné, et messieurs les présidens eurent le dernier : ce qui n’est pas avantageux en cette matière.

L’arrêt qui avoit donné entrée au député d’Espagne portoit qu’on lui demanderoit copie signée de lui de ce qu’il auroit dit au parlement ; qu’on la mettroit dans le registre, et qu’on l’enverroit par une députation solennelle à la Reine, en l’assurant de la fidélité du parlement, et en la suppliant de donner la paix à ses peuples, et de retirer les troupes du Roi des environs de Paris. Comme il étoit fort tard, et que l’on avoit bon appétit (ce qui influe plus qu’on ne se peut imaginer dans les délibérations), l’on fut sur le point de laisser mettre cette clause, sans y prendre garde. Le président Le Coigneux s’aperçut le premier de la conséquence ; et il dit, en se tournant vers un assez grand nombre de conseillers qui commençoient à se lever : « J’ai, messieurs, à parler à la compagnie ; je vous prie de reprendre vos places : il y va du tout pour toute l’Europe. » Tout le monde s’élant remis, il prononça d’un air froid et majestueux, qui n’étoit pas ordinaire à maître Gonin (on lui avoit donné ce sobriquet), ces paroles pleines de bon sens : « Le roi d’Espagne nous prend pour arbitres de la paix générale : peut-être qu’il se moque de nous, uiais il nous fait toujours honneur de nous le dire. Il nous offre