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[1649] MÉMOIRES

qui m’y attendoient, ne le furent pas moins que moi. Le premier me dit une parole que l’événement qui l’a justifiée rend digne de réflexion. « Nous avons manqué aujourd’hui d’engager le parlement : moyennant quoi tout étoit sûr, tout étoit bon. Prions Dieu que tout aille bien : car si une seule de nos cordes nous manque, nous sommes perdus. » Comme M. de Bellièvre achevoit de parler, Noirmoutier entra dans ma chambre, et nous dit que, depuis que j’étois sorti de l’hôtel-de-ville, un valet de chambre de Laigues y étoit arrivé qui me cherchoit, et qui ne m’ayant pas trouvé étoit remonté à cheval sans avoir voulu parler à personne. Vous remarquerez que Laigues, qui avoit une grande valeur, mais peu de sens, et qui s’étoit fort lié avec moi depuis qu’il avoit vendu sa compagnie aux gardes, se mit en tête de négocier en Flandre, aussitôt que le bernardin nous fut venu trouver. Il crut que cet emploi le rendroit considérable dans le parti. Il me le demanda, il m’en fit presser par Montrésor, qui le destina dès cet instant à la charge d’amant de madame de Chevreuse, qui étoit à Bruxelles. Il me représenta qu’elle pourroit ne m’être pas inutile dans la suite ; que la place étoit vide, qu’elle se pourroit remplir par un autre qui ne dépendroit pas de moi. Enfin, quoique j’eusse beaucoup de répugnance à laisser aller à Bruxelles un homme qui avoit mon caractère, je m’y laissai aller à ses prières et à celles de Montrésor ; et nous lui donnâmes la commission de résider auprès de l’archiduc. Ce valet-de-chambre qu’il m’envoyoit apportoit une dépêche de lui qui me fit pitié. Il ne parloit que des bonnes intentions de l’archiduc, de la sin-