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MÉMOIRES

qui la composent, j’interromps quelquefois le fil de l’histoire, néanmoins je ne vous dirai rien qu’avec toute la sincérité que demande l’estime que je sens pour vous. Je mets mon nom à la tête de cet ouvrage, pour m’obliger davantage moi-même à ne diminuer et à ne grossir en rien la vérité. La fausse gloire et la fausse modestie sont les deux écueils que la plupart de ceux qui ont écrit leur propre vie n’ont pu éviter. Le président de Thou l’a fait avec succès dans le dernier siècle ; et dans l’antiquité César n’y a pas échoué. Vous me faites sans doute la justice d’être persuadée que je n’alléguerois pas ces grands noms sur un sujet qui me regarde, si la sincérité n’étoit une vertu dans laquelle il est permis et même commandé de s’égaler aux héros.

Je sors d’une maison illustre en France, et ancienne en Italie. Le jour de ma naissance, on prit un esturgeon monstrueux dans une petite rivière qui passe sur la terre de Montmirel en Brie, où ma mère accoucha de moi. Comme je ne m’estime pas assez pour me croire un homme à augure, je ne rapporterois pas cette circonstance, si les libelles qui ont depuis été faits contre moi, et qui en ont parlé comme d’un prétendu présage de l’agitation dont ils ont voulu me faire l’auteur, ne me donnoient lieu de craindre qu’il n’y eût de l’affectation à l’omettre.

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Je le communiquai à Artichi, frère de la comtesse de Maure, et je le priai de se servir de moi la première fois qu’il tireroit l’épée. Il la tiroit souvent, et je n’attendis pas long-temps. Il me pria d’appeler pour lui Melbeville, enseigne-colonel des gardes, qui se ser-