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DU CARDINAL DE RETZ. [1650]

tant qu’il y auroit espérance de le faire réussir, je lui sacrifierois de bon cœur le ressentiment que je pouvois et que je devois avoir de l’injure que l’on m’avoit faite. Madame de Chevreuse, qui en appréhenda la suite d’autant plus que je paroissois modéré, obligea Le Tellier d’en écrire à la cour. Elle en écrivit elle-même très-fortement. Le cardinal s’effraya : il m’envoya la commission d’ambassadeur extraordinaire, comme aux deux autres ; et M. d’Avaux, qui en fut transporté de joie, m’obligea à parler à don Gabriel de Tolède en particulier, et à l’assurer de sa part et de la mienne que si les Espagnols se vouloient réduire à des conditions raisonnables, nous ferions la paix en deux jours. Ce que M. d’Avaux me dit sur ce sujet est remarquable. Je faisois quelque difficulté, venant de recevoir la commission de plénipotentiaire, de conférer sur cette matière, quoique légèrement, avec un ministre d’Espagne. Il me dit alors : « J’eus cette foiblesse à Munster, dans une occasion où elle eût peut-être coûté la paix à l’Europe. Monsieur est lieutenant général de l’État, et le Roi est mineur. Vous lui ferez agréer ce que je vous propose : parlez-en à Monsieur, je consens que vous lui disiez que je vous l’ai conseillé. » J’entrai sur-le-champ dans le cabinet des livres, où Monsieur arrangeoit ses médailles ; je lui fis la proposition de M. d’Avaux. Il le fit entrer ; et après l’avoir fait parler plus d’un quart-d’heure sur ce détail, il me recommanda de dire ou de faire dire à don Gabriel de Tolède, qu’il disoit être homme à argent, que si la paix se faisoit dans la conférence qui avoit été proposée, il lui donneroit cent mille écus ; et qu’il le prioit, pour toute