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DU CARDINAL DE RETZ. [1650]

tions sur son sujet, qui étoient indignes d’un chrétien. Il faisoit suggérer un moment après à Monsieur, par Beloi, qui étoit à lui, quoique domestique de Monsieur, que je faisois de grandes avances vers lui pour me raccommoder à la cour : mais qu’il ne pouvoit prendre aucune confiance en moi, parce que je traitois depuis le matin jusqu’au soir avec les partisans de M. le prince. C’est de cette manière que le cardinal me récompensoit de ce que j’avois fait, dans l’absence de la cour, pour le service de la Reine, avec une application incroyable, et (la vérité me force à le dire) avec une sincérité qui a peu d’exemples. Je ne parle pas du péril que je crois y avoir couru deux ou trois fois par jour, péril plus grand que celui des batailles ; mais faites réflexion sur ce que c’étoit pour moi que d’essuyer l’envie et de soutenir la haine d’un nom aussi odieux que l’étoit celui de Mazarin, dans une ville où il ne travailloit qu’à me perdre auprès d’un prince dont les deux qualités étoient d’avoir toujours peur, et de ne se fier jamais à personne qu’à des gens qui mettoient leur intérêt à me ruiner.

Je passai pendant le siége de Bordeaux au dessus de ces considérations, et je m’enveloppai dans mon devoir. Je puis même dire que je ne fis alors aucun pas qui ne fût d’un bon chrétien et d’un bon citoyen. Cette pensée que je m’étois imprimée dans l’esprit, et mon aversion pour tout ce qui avoit la moindre apparence de girouetterie[1], m’eût, à ce que je crois,

  1. De girouetterie : Cette constance qu’affecte le cardinal de Retz n’étoit rien moins que réelle. On a vu qu’après avoir été chef d’un parti rebelle, il s’etoit réconcilié avec Mazarin pour faire arrêter les princes. Bientôt on le verra changer encore plusieurs fois d’opinion et de parti.