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DU CARDINAL DE RETZ. [1651]

dont elle avoit mille moyens dans les conjonctures où les momens étoient précieux, et où il ne falloit qu’un instant pour déconcerter les plus sages résolutions du monde. Nous employâmes deux ou trois jours à persuader Monsieur que le temps de dissimuler étoit passé. Il le connoissoit, et il le sentoit comme nous ; mais les esprits irrésolus ne suivent jamais ni leurs vues ni leurs sentimens, tant qu’il leur reste une excuse de ne se pas déterminer. Celle qu’il nous alléguoit étoit que s’il se déclaroit, le Roi sortiroit de Paris, et qu’ainsi nous ferions la guerre civile. Nous lui répondîmes qu’il ne tenoit qu’à lui, étant lieutenant général de l’État, de faire que le Roi ne sortît pas de Paris, et que la Reine ne pouvoit pas refuser, dans une minorité, les assurances qu’on lui demanderoit sur cela. Monsieur levoit les épaules : il remettoit du matin à l’après-dînée, et de l’après-dînée au soir. L’un des plus grands embarras que l’on ait auprès des princes, c’est que l’on est souvent obligé, par la considération de leur propre service, de leur donner des conseils dont on ne peut dire la véritable raison. Celle qui nous faisoit parler étoit le doute ou plutôt la connoissance que nous avions de sa foiblesse, et c’étoit justement celle que nous n’osions dire. De bonne fortune pour nous, celui contre lequel nous agissions eut encore plus d’imprudence que celui pour lequel nous agissions n’eut de foiblesse : car justement, trois ou quatre jours avant que la Reine répondît aux remontrances du parlement, il dit à Monsieur des choses assez fortes devant la Reine, sur la confiance qu’il avoit en moi. Le propre jour de la réponse, qui fut le dernier jour de janvier, il haussa