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DU CARDINAL DE RETZ. [1651]

ment. » Ensuite il me demanda mon amitié ; il me dit qu’il n’étoit pas aussi mal auprès de la Reine qu’on le croyoit : qu’il trouveroit bien dans sa place des momens à donner de bonnes bottes au Sicilien[1]. Il revint une autre fois chez moi avec les mêmes gens, entre minuit et une heure ; il y vint pour la troisième fois avec le grand prévôt, qui, à mon avis, ne faisoit ce pas que de concert avec la cour, quoiqu’il fît profession d’amitié avec moi depuis assez long-temps. La Reine eut avis de tout ceci ; et de quelque manière que cet avis lui en soit venu, il est constant qu’elle l’eut, et il ne l’est pas moins qu’il ne se pourvoit pas qu’elle ne l’eût. Le prince de Guémené et Béthune étant les deux hommes du royaume les moins secrets, j’en avertis Chandenier en leur présence dès la première visite. Il eut commandement de se retirer chez lui en Poitou. Voilà toute l’intrigue que j’eus avec lui vous en verrez la suite en son temps. Aussitôt que Chandenier fut sorti de chez moi, j’allai chez Monsieur, que je trouvai environné d’une troupe de courtisans qui applaudissoient au triomphe. Monsieur, qui ne me vit pas assez content à son gré, me dit qu’il gageroit que j’appréhendois que le Roi ne s’en allât. Je le lui avouai : il se moqua de moi ; il m’assura que si le cardinal avoit eu cette pensée, il l’auroit exécutée en l’emmenant avec lui. Je lui répondis qu’il sembloit que depuis quelque temps la tête tournât au cardinal et qu’à tout hasard il seroit bon d’y prendre garde, parce qu’avec ces sortes de gens les contre-temps sont toujours à craindre. Tout ce que je pus obtenir de Monsieur fut que je disse comme

  1. Le cardinal Mazarin. (A. E.)