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[1651] MÉMOIRES

ce monde de plus sacré. — Revenez à moi, me dit-elle, et je me moquerai de votre Monsieur, qui est le dernier des hommes. » Je lui répondis « Je vous jure, madame, que si j’avois fait ce pas, et qu’il parût le moins du monde que je me fusse radouci pour le cardinal, je serois plus inutile à votre service auprès de Monsieur et du peuple, que le prélat, de Dôle, parce que je serois sans comparaison plus haï de l’un et de l’autre. » La Reine se mit alors en colère, et me dit que Dieu protégeroit le Roi son fils, puisque tout le monde l’abandonnoit. Elle fut plus d’un demi quart-d’heure dans de grands mouvemens, dont elle revint après assez bonnement. Je voulois prendre ce moment pour suivre le fil du discours que je lui avois commencé. Elle m’interrompit, en me disant : « Je ne vous blâme pas tant à l’égard de Monsieur que vous pensez. C’est un étrange seigneur reprit-elle tout d’un coup. Je fais tout pour vous je vous ai offert, place dans le conseil, je vous offre la nomination du cardinalat : que ferez-vous pour moi ? — Si Votre Majesté, lui répondis-je, m’avoit permis d’achever ce que j’avois commencé, elle auroit déjà vu que je n’étois pas venu ici pour recevoir des grâces, mais pour essayer de les mériter. » Le visage de la Reine s’épanouit à ce mot. « Hé ! que ferez-vous ? me dit-elle fort doucement. — Votre Majesté me permet-elle, ou plutôt me commande-t-elle, de lui dire une sottise ? parce que ce sera manquer au respect qu’on doit au sang royal. — Dites, dites, reprit la Reine avec impatience. — Madame ; lui repartis-je, j’obligerai M. le prince à sortir de Paris avant qu’il soit huit jours, et je lui enleverai