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[1651] MÉMOIRES

Avant qu’il soit deux jours, madame, M. le prince ne vous bravera plus. Votre Majesté veut attendre, des nouvelles de M. le cardinal, pour effectuer ce qu’elle me fait l’honneur de me promettre : je la supplie très-humblement de me permettre de n’attendre rien pour la servir. » La Reine fut touchée de cette parole, qui lui parut honnête. Le vrai est qu’elle m’étoit de plus nécessaire : car je voyois que M. le prince depuis cinq ou six jours gagnoit du terrain par les éclats qu’il faisoit contre Mazarin, et qu’il étoit temps que je parusse pour en prendre ma part. Je fis valoir sans affectation à la Reine la démarche que je méditois ; j’achevai de lui en expliquer la manière, que j’avois déjà touchée dans le discours. Elle en fut transportée de joie. La tendresse qu’elle avoit pour son cher cardinal fit qu’elle eut un peu de peine à agréer que je continuasse à ne le pas épargner dans le parlement, où l’on étoit obligé à tous les quarts-d’heure de le déchirer. Elle se rendit toutefois à la considération de la nécessité.

Comme j’étois déjà sorti de l’oratoire, elle me rappela pour me dire qu’au moins je me ressouvinsse bien que c’étoit M. le cardinal qui lui avoit fait cette instance de me donner la nomination. À quoi je lui répondis que je m’en sentois très-obligé, et que je lui en témoignerois toujours ma reconnoissance en tout ce qui ne seroit pas contre mon honneur ; qu’elle savoit ce que je lui avois dit d’abord, et que je la pouvois assurer que je la tromperois doublement si je lui disois que je la pusse servir pour le rétablissement de M. le cardinal dans le ministère. Je remarquai qu’elle rêva un peu ; et puis elle me dit, d’un