Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/321

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sais où j’en suis. M. le cardinal est à cent lieues d’ici tout le monde me l’explique à sa mode. Lyonne est un traître ; Servien veut que je sorte demain de Paris, ou que je fasse aujourd’hui tout ce qu’il plaira à M. le prince, et cela à votre honneur et louange ; Le Tellier ne veut que ce que j’ordonnerai ; le maréchal de Villeroy attend les volontés de Son Éminence. Cependant M. le prince me met le couteau à la gorge et voilà Monsieur qui pour rafraîchissement dit que c’est ma faute, et qui veut se plaindre de moi parce que lui-même m’abandonne. »

Je confesse que je fus touché de ce discours de la Reine, qui sortoit de source. Elle remarqua que j’en étois ému, et me témoigna qu’elle m’en savoit bon gré ; et elle me commanda de lui dire avec liberté mes pensées sur l’état des choses. Voici les propres termes dans lesquels je lui parlai, que j’ai transcrits sur ce que j’en écrivis moi-même le lendemain :

« Si Votre Majesté, madame, peut se résoudre à ne plus penser au retour de M. le cardinal, elle peut sans exception tout ce qu’il lui plaira, parce que toutes les peines qu’on lui fait ne viennent que de la persuasion où l’on est qu’elle ne songe qu’à ce retour. M: le prince est persuadé qu’il peut tout obtenir en vous le faisant espérer. Monsieur, qui croit que M. le prince ne se trompe pas dans cette vue, le ménage à tout événement. Le parlement, à qui l’on présente tous les matins cet objet, ne veut rien diminuer de sa chaleur. Le peuple augmente la sienne ; M. le cardinal est à Brulh et son nom fait autant de mal à Votre Majesté et à l’État que pourroit faire sa personne s’il étoit encore dans