Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/329

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ce qu’il vous plaît, madame, de lui commander, pour prévenir celle dont M. le prince vous menace. Il y a quelque temps que je disois à Votre Majesté qu’on est bien malheureux de tomber dans des temps où un homme de bien est obligé, même par son devoir, de manquer au respect qu’il doit à son maître. Je sais, madame, que je ne l’observe pas en parlant comme je fais sur le sujet de M. le cardinal ; mais je sais en même temps que je parle et que j’agis en bon sujet, et que tous ceux qui font autrement sont des prévaricateurs qui plaisent, mais qui trahissent leur conscience et leurs devoirs. Votre Majesté me commande de lui dire mes pensées avec liberté, et je lui obéis. Qu’elle me ferme la bouche, et elle verra ma soumission, et que je rapporterai simplement à Monsieur et sans réplique ce dont elle me fera l’honneur de me charger. » La Reine reprit tout d’un coup un air de douceur, et me dit « Non, je veux au contraire que vous me disiez vos sentimens : expliquez-les-moi à fond. » Je suivis son ordre à la lettre, je lui fis une peinture la plus naturelle qu’il me fut possible de l’état où les affaires étoient réduites ; j’achevai de crayonner ce que vous en voyez déjà ébauché je lui dis toute la vérité, avec la même sincérité et la même exactitude que j’aurois eue si j’avois du en rendre compte à Dieu un quart-d’heure après. La Reine en fut touchée, et elle dit le lendemain à la palatine qu’elle étoit convaincue que je parfois du cœur ; mais que j’étois aveuglé moi-même par la préoccupation. Ce qui me parut, c’est qu’elle l’étoit beaucoup elle-même par l’attachement qu’elle avoit pour le cardinal Mazarin, et que