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DU CARDINAL DE RETZ. [1649]

et que les coups de pistolet ne furent qu’entre des bourgeois ivres et quelques bouchers qui revenoient de Poissy, et qui n’étoient pas non plus à jeun. Ce boucher, appelé Le Roux, père du chartreux dont vous avez ouï parler, disoit qu’il étoit dans la compagnie.

L’artifice de Servien réunit au cardinal M. le prince, qui se trouva dans la nécessité de pousser les frondeurs, parce qu’il crut qu’ils l’avoient voulu assassiner. Tout ce qu’il y avoit de gens à lui crurent qu’ils ne lui témoigneroient point assez de zèle s’ils ne lui exagéroient son péril, et les flatteurs du Palais-Royal confondirent avec empressement l’entreprise du matin avec l’aventure du soir. On broda sur ce canevas tout ce que la plus lâche complaisance, tout ce que la plus noire imposture, tout ce que la crédulité la plus forte y purent figurer ; et nous nous trouvâmes le lendemain au matin réveillés par le bruit qu’on répandit par la ville que nous avions voulu enlever la personne du Roi, le mener à l’hôtel-de-ville, et massacrer M. le prince ; que pour cet effet les troupes d’Espagne s’avançoient sur la frontière, de concert avec nous. La cour fit le soir une peur épouvantable à madame de Montbazon, qu’on savoit être la patronne de La Boulaye. Le maréchal d’Albret, qui se vantoit d’être aimé de cette dame, lui portoit tout ce qu’il plaisoit au cardinal de faire aller jusqu’à elle. Vigneuil, qui en étoit effectivement aimé, lui inspiroit tout ce que M. le prince lui vouloit faire croire. Elle fit voir les enfers ouverts à M. de Beaufort, qui me vint éveiller à cinq heures du matin, pour me dire que nous étions perdus, et que nous n’avions qu’un parti à