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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/81

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[1649] MÉMOIRES

cat général Talon m’écrivit dès le 5 : « Vous remontez : sauvez-vous de l’assassinat ; avant qu’il soit il huit jours, vous serez plus fort que vos ennemis. »

Le 21 à midi, un officier de la chancellerie me fit avertir que M. Meillant, procureur général, s’étoit enfermé deux heures le matin avec M. le chancelier et M. de. Chavigny, et qu’il avoit été résolu, de l’avis du premier président, que le 23 il prendroit ses conclusions contre M. de Beaufort, contre M. de Broussel et contre moi ; et qu’il concluroit à ce que nous serions assignés pour être ouïs ce qui est une manière d’ajournement personnel un peu mitigé.

Nous tînmes l’après-dînée un grand conseil de Fronde chez Longueil, où il y eut de grandes contestations. L’abattement du peuple faisoit craindre que la cour ne se servît de cet instant pour nous faire arrêter, sous quelque formalité de justice que Longueil prétendoit pouvoir être coulée dans la procédure par l’adresse du président de Mesmes, et soutenue par la hardiesse du premier président. Ce sentiment de Longueil me faisoit peine comme aux autres : je ne pouvois pourtant me rendre à l’avis des autres, qui étoit de hasarder un soulèvement. Je savois que le peuple revenoit à nous, mais je n’ignorois pas qu’il n’y étoit point revenu ; qu’ainsi nous pourrions manquer notre coup ; et j’étois assuré que quand même nous y réussirions, nous serions perdus, parce que nous n’en pouvions soutenir les suites, et que nous nous ferions convaincre nous-mêmes de trois crimes capitaux et très-odieux. Ces raisons sont bonnes pour toucher les esprits qui n’ont pas peur, mais ceux qui craignent ne sont susceptibles que du sentiment que la peur inspire.