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[1650] MÉMOIRES

partie étoit liée pour faire mettre derrière une tapisserie le maréchal de Gramont, afin qu’il pût faire voir à M. le prince que les frondeurs, qui l’assuroient tous les jours de leurs services, étoient des trompeurs. Je ne balançai pas cependant après avoir pesé toutes ces circonstances entre lesquelles celle qui me persuada le plus que sa colère contre M. le prince étoit sincère fut que j’étois informé qu’elle se prenoit à M. le prince d’une galanterie que Jarzé avoit voulu faire croire à tout le monde qu’il avoit avec elle. Il ne tint pas à mademoiselle de Chevreuse de m’empêcher de tenter une aventure dans laquelle elle croyoit qu’on me feroit périr ; et bien qu’elle n’eût pas voulu d’abord témoigner son sentiment devant madame sa mère, elle ne se put contenir ensuite. Je l’obligeai enfin à y consentir, et je fis cette réponse à la Reine :

« Il n’y a jamais eu de moment en ma vie où je n’aie été également à Votre Majesté. Je serois trop heureux de mourir pour son service, sans songer à ma sûreté. Je me rendrai où elle me l’ordonnera. »

J’enveloppai son billet dans le mien et madame de Chevreuse lui porta le lendemain ma réponse, qui fut bien reçue. On prit heure, et je me trouvai à minuit au cloître Saint-Honoré, où Gabouri porte-manteau de la Reine, me vint prendre, et me mena par un escalier dérobé au petit-oratoire où elle étoit toute seule enfermée. Elle me témoigna toutes les bontés que la haine qu’elle avoit contre M. le prince lui pouvoit inspirer, et que l’attachement qu’elle avoit pour M. le cardinal Mazarin lui pouvoit permettre. Le der-