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avoit fort peu d’honneur à revenir d’aussi loin, que de contribuer au rétablissement d’un ministre odieux à tout le royaume, et dans la perte duquel je m’étois autant distingué. Nous ne pouvions douter, ni les uns ni les autres, que tous les pas que nous ferions pour la paix feroient cet effet infailliblement, quoiqu’indirectement ; parce que nous ne pouvions ignorer que ce rétablissement étoit l’unique vœu de la Reine. M. de Fontenay me convainquit à la fin par ce raisonnement, qu’il me fit une après-dînée dans les Chartreux en nous promenant. « Vous voyez que le Mazarin n’est qu’une manière de godenot[1] qui se cache aujourd’hui, et qui se montrera demain : mais vous voyez aussi que, soit qu’il se cache, soit qu’il se montre, le filet qui l’avance et qui le retire est celui de l’autorité royale, lequel ne se rompra pas apparemment sitôt, de la manière que l’on s’y prend à le rompre. Beaucoup de ceux même qui lui paroissoient les plus contraires seroient bien fâchés qu’il pérît. Beaucoup d’autres seront très-consolés qu’il se sauve : personne ne travaille véritablement et entièrement à sa ruine ; et vous-même, monsieur (il parloit à moi), vous-même vous n’y donnez que mollement, parce qu’il y a une infinité d’occasions dans lesquelles l’état où vous êtes avec M. le prince ne vous permet pas de vous étendre contre la cour aussi librement et aussi pleinement que vous le feriez sans cette considération. Je conclus qu’il est impossible que le cardinal ne se rétablisse pas, ou par une négociation avec M. le prince, qui en-

  1. Godenot : Petite figure ou marionnette dont se servoient les charlatans pour amuser le peuple,