Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/202

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battoit pas. Enfin il prit un peu de courage, ou au moins il en prit assez pour me demander si j’étois à lui. À quoi je ne lui répondis que par ce demi-vers du Cid : « Tout autre que mon père… » Ce mot le fit rire : ce qui étoit fort rare quand il avoit peur. « Donnez-m’en une preuve, continua-t-il raccommodez-vous avec M. de Beaufort. — Très-volontiers, monsieur, lui repartis-je. » Il m’embrassa et alla ouvrir la porte de la galerie, qui répond à la porte de la chambre où il couchoit, et où il étoit alors. J’en vis sortir M. de Beaufort qui se jeta à mon cou, et qui me dit : « Demandez à Son Altesse Royale ce que je viens de lui dire sur votre sujet ; je connois les gens de bien. Allons, monsieur, chassons les mazarins à tous les diables pour une bonne fois. » La conversation commença ainsi ; Monsieur la soutint par un discours amphibologique, qui, dans la bouche de Gaston de Foix[1], eût paru un grand exploit ; mais qui, dans celle de Gaston de France, ne me présagea qu’un grand rien. M. de Beaufort appuya de toute sa force la nécessité et la possibilité de la proposition qu’il faisoit, qui étoit que Monsieur marchât à la petite pointe du jour droit aux halles, et qu’il y fît les barricades, qu’il pousseroit après où il lui conviendroit. Monsieur se tourna vers moi en me disant, comme l’on fait au parlement : « Votre avis, M. le doyen ? » Voici en propres termes ce que je lui répondis. Je l’ai, transcrit sur l’original que je dictai à Montrésor chez moi au retour de chez Monsieur, et que j’ai encore de sa main.

  1. Gaston de Foix, duc de Nemours, tué à la bataille de Ravennes sous le règne de Louis XII, le jour de Pâques de l’année 1512, âgé d’environ vingt-trois ans. (A. E.)