Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/214

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la fourbe, sur je ne sais quelles circonstances dont je ne me souviens pas présentement ; et il ne la lui a jamais pardonné. Madame de Chevreuse n’en usa pas ainsi ; mais comme elle n’avoit pas trouvé à la cour ni la considération ni la confiance qu’elle en avoit espérée, elle cherchoit fortune : et elle eût bien voulu se mêler, au retour du Roi dans Paris, d’une affaire qui paroissoit grosse, parce qu’on la regardoit comme un préalable nécessaire à celui de M. le cardinal à la cour. Laigues, qui m’avoit traité assez familièrement devant son départ, recommença à me voir soigneusement, et presque sur l’ancien pied ; et mademoiselle de Chevreuse même, par l’ordre de madame sa mère, si je ne suis fort trompé, me fit des avances pour se raccommoder avec moi. Elle avoit les plus beaux yeux du monde, et un art à les tourner qui étoit admirable, et qui lui étoit particulier. Je m’en aperçus le soir qu’elle arriva à Paris ; mais je dis simplement que je m’en aperçus. J’en usai honnêtement avec la mère, avec la fille et avec Laigues et rien de plus. On pourroit croire qu’il n’y auroit eu en ces rencontres qu’à en user ainsi pour me tirer d’affaires : mais cela n’est pas vrai, parce que les avances que ceux qui s’adoucissent font aux puissances tournent toujours infailliblement au désavantage de celui qui les désavoue en ne les suivant pas ; et, de plus, il est bien difficile que ceux qui sont désavouées n’en conservent pas toujours quelque ressentiment, et ne donnent, au moins dans la chaleur, quelque coup de dent. Je sais que Laigues m’en donna même grossièrement, et à droite et à gauche. Je n’ai rien su sur cela de madame de Chevreuse, qui d’ailleurs a de la bonté, ou plutôt une facilité naturelle.