Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’on craint que l’on ne prenne sont non-seulement possibles, mais aisés. Cette imagination se glisse dans tous les esprits, elle coule jusqu’aux subalternes ; l’on s’en parle à l’oreille ; ce secret ne produit au commencement qu’un petit murmure : ce murmure devient un bruit qui fait trois ou quatre effets pernicieux, et à l’égard de son propre parti, et à l’égard de celui même auquel on a affaire. Voilà justement ce qui m’arriva ; et je fus étonné que tous mes amis se partagèrent sur ce que je ferois ou ne ferois pas, sur ce que je pouvois ou ne pouvois pas, et que la cour me regarda comme un homme qui prétendoit ou partager le ministère, ou en faire acheter bien chèrement l’abdication. Je connus, je sentis le péril et l’inconvénient de ce poste ; je me résolus d’en courir les risque, et je m’y résolus par ce même principe qui m’a fait toute ma vie prendre trop sur moi. Il n’y a rien de plus mauvais, selon les maximes de la politique. Le monde ne nous en a le plus souvent aucune obligation. Les bonnes intentions se doivent moins outrer que quoi que ce soit. Je me suis très-mal trouvé de n’avoir pas observé cette règle, et dans les grandes affaires et dans les domestiques ; mais il faut avouer que nous ne nous corrigeons guère de ce qui flatte notre morale et notre inclination ensemble. Je n’ai guère pu me repentir de cette conduite, quoiqu’elle m’ait coûté ma prison et toutes les suites de ma prison, qui n’ont pas été médiocres. Si j’eusse suivi le contraire ; si j’eusse accepté les offres de M. Ser̃vien ; si je me fusse tiré d’embarras, j’aurois évité tous les malheurs qui m’ont presque accablé. Je n’aurois pu me défendre d’abord de celui qui est inévi-