Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/23

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et mille réflexions « Si vous étiez né fils de France, infant d’Espagne, roi de Hongrie, ou prince de Galles, vous ne me parleriez pas comme vous faites. Sachez que nous autres princes nous ne comptons les paroles pour rien, mais que nous n’oublions jamais les actions. La Reine ne se ressouviendroit pas demain à midi de mes déclamations contre le cardinal, si je le voulois souffrir demain au matin. Si mes troupes tirent un coup de mousquet, elle ne me le pardonnera pas, quoi que je puisse faire d’ici à deux mille ans. » La conclusion générale que je tirai de ce discours fut que Monsieur étoit persuadé que tous les princes du monde, sur de certains chapitres étoient faits les uns comme les autres ; et la particulière, qu’il n’étoit pas si animé contre le cardinal, qu’il ne pensât à ne pas rendre la réconciliation impossible en cas de nécessité. Il m’en parut toutefois, un quart-d’heure après cet apophthegme plus éloigné que jamais : car M. de Damville étant entré dans le cabinet des livres, où il étoit seul avec Monsieur, et l’ayant extrêmement pressé, au nom et de la part de la Reine, de lui promettre de ne point joindre ses troupes à celles de M. de Nemours qui s’avançoient, Monsieur demeura inflexible dans sa résolution ; et il parla même sur ce sujet avec un fort grand sens et avec tous les sentimens qu’un fils de France, qui se trouve forcé par les conjonctures à une action de cette nature, peut et doit conserver dans ce malheur. Voici le précis de ce qu’il dit : Qu’il n’ignoroit pas que le personnage qu’il soutenoit en cette occasion ne fût le plus fâcheux du monde, vu qu’il ne pouvoit jamais lui rien apporter, et qu’il lui ôtoit par avance