Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/244

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cette nature que l’on fait aux prisonniers d’État : je dis la plupart, parce qu’il y en eut quelques-uns à l’égard desquels je ne pus agir ainsi. Par exemple, Pradelle, qui ne me parloit pour l’ordinaire que du beau temps et des choses qui étoient arrivées avant que j’eusse été arrêté, s’avisa un jour de m’annoncer l’heureux retour du cardinal Mazarin à Paris : il embellit son récit de tous les ornemens qu’il crut qui me pouvoient déplaire, et il exagéra même avec emphase la réception magnifique qui lui avoit été faite à l’hôtel-de-ville. Je la savois déjà, et que M. Vedeau l’avoit harangué avec une bassesse incroyable. Je répondis à M. de Pradelle que je n’en étois point surpris. Il reprit, : « Et vous n’en serez pas même fâché, monsieur, quand vous saurez l’honnêteté que M. le cardinal a pour vous ; il m’a commandé de vous venir assurer de ses très-humbles services, et de vous supplier de croire qu’il n’oubliera rien pour vous servir. » Je ne fis pas semblant d’avoir pris garde à ce compliment, et je lui fis je ne sais quelle question sur un sujet qui n’avoit aucun rapport à celui-là. Il y revint et comme il me pressa de lui répondre, je lui dis que dès la première parole je lui aurois témoigné ma reconnoissance, si je n’étois persuadé que le respect qu’un prisonnier doit au Roi ne lui permet pas de s’expliquer de quoi que ce soit qui regarde sa liberté que lorsqu’il a plu à Sa Majesté de la lui rendre. Il m’entendit ; il m’exhorta à répondre à M. le cardinal plus obligeamment mais il ne me persuada pas.

Les avis que M. le cardinal Mazarin avoit de Rome, et l’émotion des esprits, qui paroissoit et qui croissoit