Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/255

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me dire, en descendant les degrés, que je me gardasse bien de donner une parole que l’on m’alloit demander. Le maréchal, que je trouvai au bas de l’escalier, me la demanda effectivement : c’étoit de ne me point sauver. Je lui répondis que les prisonniers de guerre donnoient des paroles, mais que je n’avois jamais ouï dire qu’on en exigeât des prisonniers d’État. Le maréchal se mit en colère, et il me dit nettement qu’il ne se chargeoit donc pas de ma personne. M. de Bellièvre, qui n’avoit pas pu devant mon exempt, devant Pradelle et devant mes gardes, s’expliquer avec moi du détail, prit la parole, et dit : « Vous ne vous entendez pas : M. le cardinal ne vous refuse pas de vous donner sa parole si vous voulez vous y fier absolument, et ne lui donner auprès de lui aucune garde. Mais si vous le gardez, monsieur, à quoi vous serviroit cette parole ? car tout homme que l’on garde en est quitte. » Le premier président jouoit à jeu sûr : car il savoit que la Reine avoit fait promettre au maréchal qu’il me feroit toujours garder à vue. Il regarda M. de Bellièvre, et il lui dit : « Vous savez si je puis faire ce que vous me proposez. Allons, continua-t-il en se tournant vers moi, il faut donc que je vous garde ; mais ce sera d’une manière de laquelle vous ne vous plaindrez jamais. » Nous sortîmes ainsi, escortés des gendarmes, des chevau-légers et des mousquetaires du Roi ; et les gardes de M. le cardinal Mazarin, qui à mon sens n’eussent pas dû être de ce cortége, y parurent même avec éclat.

Nous quittâmes le premier président au Port-à-l’Anglois, et nous continuâmes notre route jusqu’à