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est la plus courte, Gaumont jugea à propos de lui remettre le paquet adressé à M. le cardinal d’Est. Sa simplicité fut grande, comme vous voyez ; et il n’avoit pas étudié de plus la maxime que j’ai toujours pratiquée, et que j’ai toujours enseignée à mes gens : de ne jamais compter dans les grandes affaires les fatigues, le péril et la dépense pour quelque chose. Il s’en trouva mal en ce rencontre. L’original de la démission ne se trouva plus dans ce paquet, qui se trouva néanmoins très-bien fermé. Quand Gaumont s’en plaignit, Malclerc, qui étoit d’ailleurs plus brave que lui, se plaignit lui-même de son méchant artifice. Ce contre-temps donna lieu au Pape de laisser en doute le cardinal d’Est si l’inaction de Rome procédoit, ou de la mauvaise volonté de Sa Sainteté envers la cour, ou du défaut de l’original de la démission. Malclerc avoit ordre de supplier le Pape en mon nom, en cas qu’il ne la voulût pas admettre, d’amuser le tapis, afin de me donner le temps de me sauver. Il lui en donna de plus, comme vous voyez, un beau prétexte. Le cardinal d’Est, qui fut amusé lui-même, amusa aussi lui-même le Mazarin. Les instances de celui-ci vers le maréchal, pour me remettre entre les mains du Roi, en furent moins fréquentes et moins vives ; et j’eus la satisfaction de devoir au zèle et à l’esprit de deux de mes gens (car l’abbé Charier eut aussi part à cette intrigue) le temps que j’eus, par ce moyen, tout entier de songer et de pourvoir à ma liberté.

Je reviens à la meule de foin. J’y demeurai caché plus de sept heures, avec une incommodité que je ne puis vous exprimer. J’avois l’épaule rompue et dé-