Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/271

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passâmes presque à la vue de Nantes d’où quelques gardes du maréchal sortirent pour escarmoucher. Ils furent repoussés vigoureusement jusque dans la barrière, et nous arrivâmes heureusement à Machecoul, qui est dans le pays de Retz, avec toute sorte de sûreté. Je ne manquai pas, dans ce bonheur, de chagrins domestiques. Madame de Brissac, qui s’étoit portée en héroïne dans tout le cours de cette action, me dit en me quittant, et en me donnant une bouteille d’eau impériale : « Il n’y a que votre malheur qui m’ait empêchée d’y mettre du poison. » Elle se prenoit à moi de la perfidie que M. de Noirmoutier m’avoit faite sur son sujet, et de laquelle je vous ai parlé ci-devant. Il est impossible que vous conceviez combien je fus touché de cette parole et je sentis, au delà de tout ce que je vous en puis exprimer qu’un cœur bien tourné est sensible, jusqu’à l’excès de la foiblesse, aux plaintes d’une personne à laquelle il croit être obligé. Je ne le fus pas, à beaucoup près, tant à la dureté de madame de Retz et de monsieur son père. Ils ne purent s’empêcher de me témoigner leur mauvaise volonté dès que je fus arrivé. Elle se plaignit de ce que je ne lui avois pas confié mon secret, quoiqu’elle ne fût partie de Nantes que la veille que je me sauvai. Celui-ci pesta assez ouvertement contre l’opiniâtreté que j’avois à ne me pas soumettre aux volontés du Roi ; et il n’oublia rien pour persuader à M. de Brissac de me porter à envoyer à la cour la ratification de ma démission. La vérité est que l’un et l’autre mouroient de peur du maréchal de La Meilleraye, qui, enragé qu’il étoit, et de mon évasion, et encore plus de ce qu’il avoit été abandonné de toute la noblesse, mena-