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et la hauteur des arbres dont elle est couverte, et par les ruisseaux qu’elle jette avec une abondance prodigieuse, ouvre mille et mille scènes qui sont, sans exagération, plus surprenantes que celles de l’Opéra. Cette même montagne, ces arbres, ces rochers, couvrent le port de tous les vents, et dans les plus grandes tempêtes il est toujours aussi calme qu’un bassin de fontaine, et aussi uni qu’une glace. Il est partout d’une égale profondeur et les gallions des Indes y donnent fond à quatre pas de terre. Ce port est dans l’île de Minorque, qui donne encore plus de chair et de toutes sortes de victuailles nécessaires à la navigation, que celle de Majorque ne produit de grenades, d’oranges et de limons.

Le temps grossit extrêmement après que nous fûmes entrés dans le port, et au point que nous fûmes obligés d’y demeurer quatre jours. Nous en fîmes pourtant quatre partances : mais le vent nous refusa toujours. Don Fernand Carillo, qui étoit homme de qualité, jeune de vingt-quatre ans, fort honnête et fort civil, chercha à me donner tous les divertissemens que l’on pouvoit trouver en ce beau lieu. La chasse y étoit la plus belle du monde en toute sorte de gibier, et la pêche en profusion. En voici une manière particulière à ce port. Don Fernand prit cent Turcs de la chiourme, les mit en rang, leur fit tenir un très-gros câble, et fit plonger quatre de ces esclaves, qui attachèrent ce câble à une fort grosse pierre, et la tirèrent après à force de bras avec leurs compagnons, au bord de l’eau. Ils ne réussirent qu’après des efforts incroyables, et ils n’eurent guère moins de peine à casser cette pierre à coups de marteau. Ils trouvèrent