Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/339

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ne deviez pas venir à Rome, si vous n’étiez pas en résolution et en pouvoir de soutenir votre dignité. Vous ne mettez point l’humilité chrétienne à la perdre ; et je n’ai rien à vous dire, si ce n’est que le pauvre cardinal Chigi qui vous parle, qui n’a que cinq mille écus de rente, et qui est sur le pied des plus gueux des cardinaux moines, ne peut aller aux fonctions sans quatre carrosses de livrée roulant ensemble, quoiqu’il soit assuré qu’il ne trouvera personne dans les rues qui manque en sa personne au respect que l’on doit à la pourpre. »

Voilà une petite partie de ce que le cardinal Chigi me disoit tous les jours, et de ce que mes autres amis, qui n’étoient pas ou du moins qui ne faisoient pas les ecclésiastiques si zélés que lui, m’exagéroient encore beaucoup davantage. M. le cardinal Barberin éclatoit encore plus que tous les autres contre ce projet de retranchement. Il m’offroit sa bourse : mais comme je ne la voulois pas prendre, et que même j’eusse été fort aise de n’être point à charge à mes proches et à mes amis de France, je me trouvois fort en peine ; et d’autant plus que je les voyois très-disposés à croire que la grande dépense ne m’étoit nullement nécessaire à Rome. Je n’ai guère eu dans ma vie de rencontre plus fâcheuse que celle-là ; et je vous puis dire avec vérité que je ne sais qu’une occasion où j’aie eu plus de besoin de faire un effort terrible sur moi, pour m’empêcher de faire ce que j’aurois souhaité. Si je me fusse cru, je me serois réduit à deux estafiers. La nécessité l’emporta, je connus visiblement que je tomberois dans le mépris, si je ne me soutenois avec éclat : je cherchai un palais pour me loger ; je rassemblai