Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

juger que le Pape s'attendoit que je prendrois le change : que je verbaliserois sur la distinction des ordres du Roi et de ceux de M. le cardinal d’Est, et qu’ainsi il auroit lieu de dire à M. de Lyonne qu’il m’avoit exhorté à l’obéissance ; et à mes confrères, qu’il ne m’avoit recommandé que de demeurer dans les termes du respect que je devois au Roi. Je ne lui donnai lieu ni de l’un ni de l’autre car je lui répondis sans balancer que c’étoit justement ce qui me mettoit en peine, et sur quoi je le suppliois de décider parce que d’un côté le nom du Roi paroissoit, pour lequel je devois avoir toutes sortes de soumissions ; et que de l’autre je voyois celui de Sa Sainteté si blessé, que je ne croyois pas devoir, en mon particulier, donner les mains à une atteinte de cette nature, que je n’en eusse au moins un ordre exprès. Le Pape battit beaucoup de pays pour me tirer, ou plutôt pour se tirer lui-même de la décision que je lui demandois. Je demeurai fixe et ferme. Il courut, il s’égaya : ce qui est toujours facile aux supérieurs. Il me répéta plusieurs fois que le Roi étoit un grand monarque ; il me dit d’autres fois que Dieu étoit encore plus puissant que lui. Tantôt il exagéroit les obligations que les ecclésiastiques avoient à conserver les libertés et les immunités de l’Église ; tantôt il s’étendoit sur la nécessité de ménager dans la conjoncture présente l’esprit des rois. Il me recommanda la patience chrétienne ; il me recommanda la vigueur épiscopale. Il blâma le cérémonial, auquel l’on étoit trop attaché à la cour de Rome ; il en loua l’observation comme étant nécessaire pour le maintien de sa dignité. Le sens littéral de tout son discours étoit que, quoi que je pusse faire, je ne pour-