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Qui rend et qui reçoit combat ;
Et fait joliment sa retraite,
La partie étant trop mal faite,
Sevigny commandant pour nous.
    Le jeudi[1] nous apprîmes tous
Que, dans la terre provençale,
La procession générale
Que le peuple d’Aix, bon chrétien
Fit le jour de Saint Sébastien,
Fut interrompue en sa file
Par des soldats entrés en ville
Sous l’ordre du comte d’Alais,
Gouverneur de la ville d’Aix.
Sur quoi la populace fière,
Avec la croix et la bannière, —
Le bénitier et l’aspergès,
Battit ces gens et prit d’Alais.
    Nous sûmes aussi qu’à Marseille
L’on avoit joué la pareille
Au jeune duc de Richelieu,
Arrêté par ceux de ce lieu,
Qui même avoient fait prisonnières
Plus des trois quarts de ses galères.
    Le samedi trentième jour,
De l’ordonnance de la cour,
Les conseillers Doux et Viole
Dont la vertu tient comme colle,
Prirent la poste en maniement.
La cour leur fit commandement
Que passeports ils délivrassent
De toute sorte, et les signassent
Tous deux, ou l’un l’autre absent ; et
(En latin) le greffier Guyet.
    Ce jour, les troupes d’Alexandre
Venant à Bri pour le surprendre
(J’entends vos troupes, grand Condé),
Il nous fut à Paris mandé.
Sur quoi notre cavalerie
Prenant la route de la Brie,
Les ennemis fuirent tout net,
Et pas un d’eux ne remanoit ;
Mais bien une quantité grande
De blés et de vive viande,
C’est-à-dire de bestial,
Qui pour renfort du carnaval
Fut à Paris fort bien reçue,
Et dont la ville fut pourvue.
    Lors on tira des fuseliers
Des colonelles des quartiers :
Et de la noble bourgeoisie
Il alla quelque compagnie
Pour faire garde à Charenton ;
Tandis qu’on menoit, ce dit-on,
La garnison faire ses orges
Devers Villeneuve-Saint-Georges,
Et d’autre à Bri-Comte-Robert,
Qu’on craignoit qui fut pris sans vert.
    Le dimanche[2] monsieur Tancrède
Fut blessé d’un coup sans remède,
Blessé, dis-je, d’un, coup mortel ;
L’issu du côté paternel
Du feu duc de Rohan son père,
Si l’on en croit sa chaste mère[3].
Au reste, un enfant très-bien né,
Aussi vaillant qu’infortuné.
Il donnoit beaucoup d’espérance ;
Mais le mauvais destin de France
Prit mal à propos le toupet
Contre un jeune homme si bien fait,
Qui portoit toupet sur sa tête,
Comme l’on voit dans sa requête.
Voyons donc comme il a péri.
Il revenoit avec Vitry,
Noirmoutier et d’autre noblesse,
Quand pour sa première prouesse,
Et pour achever son roman,
Il rencontra quelque Allemand
De la garnison de Vincenne,

  1. 28 janvier.
  2. 31 janvier.
  3. Madame de Rohan, en la requête qu’elle présenta, dit que Tancrède étoit reconnu par le toupet qu’il avait.