Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/499

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troient des artifices et des piéges pour le perdre : il ne pourroit s’imaginer qu’un homme du nom de Fiesque fût capable d’une pareille bassesse ; et jugeant avec raison de ce que vous seriez par ce que vous devez être, il se serviroit, pour votre ruine, de cette soumission apparente que vous affecteriez auprès de lui pour votre sûreté. Toute la différence qu’il y auroit donc entre ce que vous êtes à cette heure, et ce que vous seriez alors, feroit seulement que vous auriez une assurance certaine de périr avec une honte éternelle ; au lieu qu’en suivant les sentimens généreux où votre inclination vous porte, vous êtes assuré que le seul malheur qui vous puisse arriver sera de mourir dans une entreprise glorieuse, et d’acquérir en mourant tout l’honneur qu’un particulier ait jamais acquis. Si vous voyez ces choses, comme sans doute vous les pouvez voir plus clairement que moi, je n’ai que faire de les exagérer davantage : je vous supplie seulement d’en tirer deux conséquences importantes. La première est de reconnoître la fausseté de ces maximes qui défendent de prévenir le coup d’un ennemi qui ne songe qu’à nous perdre, et qui nous conseille d’attendre qu’il se perde lui-même. C’est se tromper que de croire que la fortune ne fasse monter ceux que nous haïssons au comble du bonheur que pour nous donner le plaisir de les voir tomber. Toutes les grandeurs ne sont pas voisines des précipices, tous les usurpateurs n’ont pas été malheureux, et le ciel enfin ne punit pas toujours les méchans à point nommé pour réjouir les bons, et les garantir de la violence de ceux qui les veulent opprimer. La nature, plus infaillible que la politique, nous enseigne d’aller au devant du mal qui nous menace : il devient incurable, pendant que la prudence délibère sur les remèdes. Que nous servira d’examiner avec tant de délicatesse les exemples qu’on nous a proposés ? Ne savons-nous pas que la trop grande subtilité du raisonnement amollit le courage, et s’oppose souvent aux plus belles actions ? Toutes les affaires ont deux visages différens ; et les mêmes politiques qui blâment Pompée d’avoir affermi la puissance de César en l’irritant ont loué la conduite de Cicéron dans la ruine de Catilina. L’autre fruit que vous devez tirer de ces considérations est que les belles con-