Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/512

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suborner par trois fois, des gens pour n’empoisonner. il me seroit facile de vous prouver qu’il a donné ordre à Lercaro de me massacrer avec tous ceux de ma maison, au moment que son oncle viendroit à mourir. Mais la connoissance de ces trahisons, quoique noires et infâmes, n’ajouteroit rien à l’horreur que vous avez déjà pour ces monstres. Il me semble que j’aperçois dans vos yeux cette noble ardeur qu’inspire une vengeance légitime ; je vois que vous avez plus d’impatience que moi-même de faire éclater votre ressentiment, d’assurer vos biens, vos repos, et l’honneur de vos familles. Allons donc, mes chers concitoyens, sauvons la réputation de Gênes, conservons la liberté de notre patrie, et faisons connoître aujourd’hui à toute la terre qu’il se trouve encore des gens de bien, dans cette république. qui savent perdre les tyrans. »

Les assistans se trouvèrent extrêmement étonnés de ces paroles ; mais comme ils étoient presque tous passionnés pour le comte de Fiesque, et queles uns joignoient à cette amitié les hautes espérances dont ils se flattoient au cas que l’entreprise réussît, et que les autres craignoient son ressentiment s’ils refusoient de suivre sa fortune, ils lui promirent toutes sortes de services. Il n’y en eut que deux de ce nombre assez considérable, qui le prièrent de ne les point engager dans cette affaire, soit que leur profession éloignée des périls, et leur humeur ennemie des violences, les rendît incapables (comme ils disoient) de servir dans une action où il y avoit beaucoup de dangers à essuyer et de meurtres à commettre, soit qu’ils couvrissent de l’apparence d’une peur simulée l’affection véritable qu’ils avoient pour la maison de Doria, ou pour quelques uns de son parti. Il est certain que le comte ne les pressa pas davantage, et qu’il se contenta de les enfermer dans une chambre, afin de leur ôter le moyen de découvrir son dessein. La douceur dont il usa envers ces deux personnes fait que je ne puis croire ce que quelques historiens passionnés contre sa mémoire ont publié, qui est que le discours qu’il fit dans cette assemblée ne fut rempli que de menaces contre ceux qui refuseroient de l’assister ; et je crois que l’on peut avec raison faire le même jugement des paroles impies et cruelles qu’ils l’accusent d’avoir dites le soir de son entreprise. Car quelle apparence y a-t-il qu’un homme de sa condition, né avec