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M. de Nemours entra en ce temps-là sans aucune résistance dans le royaume, toutes les troupes du Roi étant divisées ; et quoique M. d’Elbœuf et messieurs d’Aumont, Digby et de Vaubecour[1] en eussent à droite et à gauche, il pénétra jusqu’à Mantes, et il y passa la Seine sur le pont qui lui fut livré par M. le duc de Lude, gouverneur de la ville et mécontent de la cour parce que l’on avoit ôté les sceaux à son beau-père. Il campa à Hoûdan et il vint à Paris avec M. de Tavannes, qui commandoit ce qu’il avoit conservé de troupes de M. le prince ; et Clinchamp[2], qui étoit officier général dans les étrangers.

Voilà le premier faux pas que cette armée fit : car si elle eût marché sans s’arrêter, et que M. de Beaufort l’eût jointe avec les troupes de Monsieur comme il la joignit depuis, elle eût passé la Loire sans difficulté, et eût fort embarrassé la marche du Roi. Tout contribua à ce retardement : l’incertitude de Monsieur, qui ne pouvoit se déterminer pour l’action même dans les choses les plus résolues ; l’amour de madame de Mambazon, qui amusoit à Paris M. de Beaufort ; la puérilité de M. de Nemours, qui étoit bien aise de montrer son bâton de général à madame de Châtillon ; et la fausse politique de Chavigny, qui croyoit qu’il seroit beaucoup plus maître de l’esprit de Monsieur quand il lui éblouiroit les yeux par ce grand nombre d’écharpes de couleurs toutes différentes (ce fut le terme dont il se servit en parlant à Croissy, qui fut assez imprudent pour me le redire, quoiqu’il fût beaucoup plus dans les intérêts de M. le

  1. De Nettancourt de Vaubecour. (A. E.)
  2. Le marquis de Clinchamp. (A. E.)