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DE CONRART. [1652]

ouït qu’à chaque coup qu’on lui donnoit on lui disoit : « Si tu en es échappé à Orléans, tu n’en échapperas pas ici. » Ce qui a fait croire qu’il étoit bien recommandé, et peut-être par une personne de grande qualité qui étoit dans Orléans lorsque Le Gras y entra pour tâcher de porter les habitans, dont il étoit connu, à ouvrir les portes de la ville au Roi. Après qu’il eut reçu plusieurs coups, ce neveu et un laquais le prirent pour le porter chez un chirurgien, quoique avec beaucoup de peine, tant pour la foule qui les empêchoit de passer, que pour la résistance qu’y faisoient les meurtriers, lesquels témoignoient une extrême appréhension de ne l’avoir pas achevé. Cela fut cause qu’ayant su qu’il avoit été porté chez un chirurgien, ils y allèrent pour savoir s’il étoit véritablement mort. Le chirurgien les en assura, et ils s’en retournèrent ; mais un peu après ils revinrent encore lui dire qu’ils avoient appris qu’il n’étoit pas expiré. Le chirurgien leur protesta qu’il l’étoit, et les renvoya encore cette seconde fois ; mais étant revenus une troisième, ils voulurent absolument le voir, et que l’on allumât de la chandelle pour le visiter. Comme il rendit l’esprit peu d’heures après, il n’avoit déjà plus de mouvement ni de connoissance ; et ainsi on leur fit croire qu’il étoit passé, comme en effet il passa avant la nuit. Il parla néanmoins, et déclara ce qu’on lui avoit dit d’Orléans en le frappant. J’ai su tout ceci de M. de Bois-Landry, conseiller, fils de M. d’Aligre, à qui le neveu de madame Le Gras l’a dit.

Doujat, qui avoit pris à gauche avec son guide, eut beaucoup de peine quand il fallut passer les chaînes, les bourgeois qui les gardoient étant ivres, et comme