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DE CONRART.

de quatre cent cinquante mille livres pour satisfaire les marchands qui avoient ou fourni les vaisseaux, ou avancé l’argent pour les payer : mais s’étant passé beaucoup de temps sans que cette promesse eût été acquittée, ces marchands songèrent à exposer cette promesse pour en traiter. Le prince d’Orange Henri-Frédéric l’ayant su, en avertit Estrades[1] qu’il aimoit extrêmement, et lui dit que c’étoit une affaire sur laquelle il pouvoit gagner cinquante mille écus, parce qu’étant connu et estimé du cardinal de Richelieu, il pourroit lui faire comprendre que s’il ne donnoit ordre que sa promesse fût acquittée, on la promeneroit par toute la Hollande, et que comme il avoit trop de soin de sa réputation pour le souffrir, il ne manqueroit pas à ordonner à Bullion, surintendant des finances, de fournir les fonds nécessaires pour cela ; sur quoi il feroit obtenir une grande remise à Estrades, les marchands étant bien aises de la faire, et de toucher le reste en argent comptant.

Estrades venant en France apporta des lettres du prince d’Orange au cardinal de Richelieu et pour mieux parvenir à son dessein en parla à Chavigny[2], qui étoit alors des plus puissans auprès de lui. Chavigny lui dit qu’il en falloit parler à Senneterre, ami intime de Bullion, et lui donner part du profit, parce qu’il étoit homme fort intéressé. Estrades lui dit franchement ce qu’il croyoit qu’il y auroit de profit ; et parce que Chavigny faisoit profession d’a-

  1. Estrades : Godefroi, comte d’Estrades, fait maréchal de France en 1675. Le recueil de ses négociations a été imprimé à La Haye en 1745, en 9 vol. in-12.
  2. Chavigny : Claude Le Bouthillier, comte de Chavigny, surintendant des finances. Il mourut le 13 mars 1652.