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MÉMOIRES

après avoir obtenu un passe-port du Roi. On disoit qu’il étoit amoureux d’elle, et qu’il lui avoit écrit une lettre, et une à Verpilière (c’est une fille qui est auprès d’elle et qu’elle aime fort), par lesquelles cela paroissoit, quoique couvertement. Néanmoins on ne croit pas que cela seul ait été cause de sa disgrâce ; mais Saint-Romain et Sarrazin, qui s’étoient érigés en petits ministres auprès de cette princesse, craignirent qu’il ne les supplantât, ou du moins qu’il ne partageât avec eux sa confidence ; c’est pourquoi ils le rendirent suspect, et firent en sorte qu’elle lui témoigna quelque froideur, dont s’étant dégoûté il se retira. Il avoit voulu donner de la défiance de M. de Turenne à madame de Longueville, sur ce qu’il étoit assuré de la citadelle de Stenay, et qu’il n’avoit rien fait de considérable avec des troupes capables de beaucoup entreprendre durant toute la campagne de l’année 1750 : car pendant que l’armée du Roi s’opposoit à celle des Espagnols en Champagne, il pouvoit venir avec la sienne jusqu’aux portes de Paris, et faire d’étranges ravages partout ; et cependant il ne fit rien. Madame de Longueville, qui se voyoit entre ses mains et en la puissance des Espagnols, jugea qu’il valoit mieux dissimuler que de témoigner du ressentiment du procédé de M. de Turenne, puisqu’elle n’étoit pas en état de s’en venger ; et Tracy, qui est un franc Picard et tout-à-fait un homme d’honneur, jugeant qu’elle se faisoit tort de ne le pas croire, aima mieux quitter que de voir les conseils des autres, qu’il trouvoit fort mauvais, être suivis au préjudice des siens, qui étoient fort sincères, et qui eussent été fort utiles à qui eût eu des forces pour se faire faire raison.