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DE CONRART.

l’un à l’autre de leur ajustement, et particulièrement de leur belle tête, le marquis dit que pour lui il n’étoit qu’un barbon, qu’il étoit veuf, et qu’il avoit fait son temps : « Mais pour vous, dit-il au chevalier, vous êtes en un âge et en un état à tout entreprendre : vous n’avez qu’à jeter le mouchoir, et il n’y a point de dame qui ne le veuille relever. » Après qu’ils se furent quittés, le chevalier de Lorraine rencontra le marquis de Villeroy, auquel il conta l’entretien qu’il avoit eu avec Vardes. De ce même pas le marquis de Villeroy, qui est ennemi de Vardes et qui sait aussi que Madame ne l’aime pas, s’en alla chez elle, et lui dit ce que le chevalier lui venoit d’apprendre ; et il ajouta que Vardes avoit dit au chevalier qu’il avoit tort de s’amuser aux filles de Madame, et que, fait comme il étoit, il ne devoit pas s’arrêter aux suivantes, mais à la maîtresse ; et qu’il y trouveroit peut-être même plus de facilité. De quoi Madame se mit en grande colère, et en fit sa plainte à Monsieur, qui arriva un peu après ; et lui s’en alla tout droit faire la sienne au Roi, qui témoigna que si Vardes avoit parlé ainsi, il méritoit la Bastille. Vardes ayant appris cela en parla au Roi, et lui fit mille sermens qu’il n’y avoit rien de plus faux que ce qu’on lui faisoit dire ; qu’il étoit prêt de le soutenir devant Sa Majesté à quiconque auroit la hardiesse de le dire ; et lui conta la chose comme elle s’étoit passée. Le Roi lui répondit qu’il ne trouvoit pas à propos de faire cet éclaircissement, parce qu’il sembleroit à Madame que Sa Majesté ne voudroit pas la satisfaire, et qu’il valoit mieux qu’il passât quelque temps dans la Bastille ; après quoi la chose se pourroit éclaircir. Vardes ne répliqua rien, et se rendit