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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/139

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NOTICE

rive que des hommes ont ou croient avoir quelques traits de beauté qui peuvent les faire aimer, ils tâchent de les augmenter par les ajustemens des femmes, qui sont fort avantageux ; ils sentent alors le plaisir inexprimable d’être aimés. J’ai senti plus d’une fois ce que je dis par une douce expérience ; et quand je me suis trouve à des bals et à des comédies avec de belles robes de chambre, des diamans et des mouches, et que j’ai entendu dire tout bas auprès de moi : Voilà une belle personne ! j’ai goûté en moi-même un plaisir qui ne peut être comparé à rien, tant il est grand. L’ambition, les richesses, l’amour même, ne l’égalent pas, parce que nous nous aimons toujours mieux que nous n’aimons les autres[1]. »

Le scandale causé par la conduite de l’abbé de Choisy avoit été si grand, qu’il fut obligé de sortir de France. Il voyagea en Italie, et passa un temps assez considérable à Venise. La passion du jeu l’avoit déjà dominé il s’y livra de nouveau avec fureur ; il gagna d’abord, et perdit ensuite plus qu’il n’avoit gagné. « La rage du jeu m’a possédé, s’écrie-t-il dans l’histoire de ses désordres, et a troublé ma vie. Heureux si j’avois toujours fait la belle, quand même j’eusse été laide ! Le ridicule est préférable à la pauvreté[2]. »

Il revint en France ruiné, mais il n’étoit pas changé : il avoit seulement le soin de ne point aller dans les assemblées publiques avec les vêtemens auxquels il avoit tant de peine à renoncer. Il se retira dans son abbaye de

  1. Manuscrits de Choisy, t. 3, fo 4, vo.
  2. Ibid., fo 48, vo ; et Histoire de la comtesse des Barres, p. 180.