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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/167

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MÉMOIRES

parut plus touchée de l’un que de l’autre. Je vis aussi le petit triomphe de Cavoye : on l’avoit nommé parmi les morts, et le Roi lui avoit donné une louange bien solide en s’écriant : « Ah ! que M. de Turenne sera fâché ! » Mais une demi-heure après on vit un homme à cheval de l’autre côté du Rhin, qui se mettoit à la nage. L’attention fut grande ; on attendoit à tous momens des nouvelles de ce qui se faisoit de l’autre côté. Cet homme passa heureusement ; et il se trouva que c’étoit Cavoye, que M. le prince envoyoit au Roi. Sa Majesté fut fort aise de sa résurrection : les courtisans eussent bien voulu retenir les louanges qu’ils lui avoient données. Enfin l’affaire étant finie vers les dix heures du matin, le Roi, qui par parenthèse n’a jamais manqué qu’une fois en sa vie à entendre la messe, la demanda. Il n’y avoit ni aumônier ni chapelain ; ils étoient en défaut. L’abbé de Dangeau et moi nous nous trouvâmes les seuls ecclésiastiques de la cour. Nous allâmes chercher un aumônier de régiment. Il nous manquoit un missel ; on en trouva un dans un porte-manteau du comte d’Ayen : on dressa un autel, et nous eûmes l’honneur de servir le Roi à sa messe. Ainsi je peux parler en cette occasion comme témoin oculaire.

Mais passerai-je si légèrement sur la chose de ma vie qui m’a le plus touché ? J’étois serviteur, que dis-Je serviteur ? j’étois ami très-particulier de M. de Longueville : je me garderai bien de faire ici son portrait, cela ne serviroit qu’à renouveler ma douleur. Enfin je le connoissois, comme tout le monde, pour le prince le mieux fait, le plus aimable et le plus magnifique ; mais je savois de plus une partie de son secret. Nous