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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/175

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MÉMOIRES

ne l’a pas permis. Je me serois perdu dans ces grandes élévations, et d’ailleurs à la mort j’aurois eu à rendre un plus grand compte. Je n’aurai à répondre que de moi. Je dirai seulement, pour ma justification, que ma mère, par une fausse tendresse, m’a élevé comme une demoiselle : le moyen de faire de cela un grand homme !

Je vous avois averti, mon cher lecteur, que je parlerois de moi jusqu’au déboire. Tenez-vous-en là, n’allez pas plus loin ; je suis un peu jaseur la plume à la main : vous sentez bien que je n’y fais pas grande façon, et que je ne songe guère à ce que j’ai à vous dire. Je vous promets pourtant bien sérieusement de vous entretenir presque toujours du Roi, ce sera ma basse continue ; et si de temps en temps vous me trouvez à quelque coin, passez par dessus moi. Comme je ne me contrains pas pour vous, je vous conseille de ne vous pas contraindre pour moi.

Je vais donc peindre Louis, dans son plus beau point de vue et je commencerai son histoire à la mort du cardinal Mazarin, lorsqu’à l’âge de vingt-deux ans il se chargea du gouvernement, et n’en fut point embarrassé. Son esprit, caché jusque là sous les dehors modestes d’une bonté ingénue, se déclara tout entier : il changea l’ordre dans les affaires, se choisit des ministres, forma des conseils réglés, et, se donnant sans réserve aux soins de son État, il consola ses peuples, et étonna toute l’Europe par une capacité à laquelle on n’avoit pas lieu de s’attendre. Il avoit passé son enfance dans les jeux et dans les plaisirs ; la Reine sa mère s’étoit peu mise en peine de son éducation ; ses gouverneurs, ses précepteurs l’avoient