Aller au contenu

Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
DE l’ABBÉ DE CHOISY.

Monsieur étoit lieutenant général de l’État, il prit son rang de 1622, malgré l’opposition de M. d’Aligre, qui a été depuis chancelier, et de vingt autres conseillers d’État, à qui il passa sur le corps. Les choses changèrent après la guerre de Paris ; et lorsque Monsieur se retira à Blois, mon père pensa être chassé : le cardinal l’accusait d’avoir voulu faire révolter le Languedoc. Enfin il fut trop heureux de se contenter de ce qu’on voulut bien lui donner. Il avoit pourtant toujours été dans les intérêts du Roi, préférablement à ceux de Monsieur ; mais il n’aimoit pas le cardinal. Il avoit passé sa vie dans les intendances de provinces ou d’armées, et même dans les ambassades. C’étoit lui qui avoit traité avec la fameuse landgravine de Hesse : on lui avoit donné pouvoir, dans ses instructions, de lui accorder jusqu’à quatre cent mille écus, et il n’en avoit cédé que deux cent mille ; et n’ayant à livrer que du papier (dont la landgravine ne se payoit pas), il avoit été en Hollande emprunter les deux cent mille écus sur son crédit, dont il n’avoit été remboursé que six ans après. Cette petite injustice (si pourtant j’ose parler ainsi) qu’on avoit faite à mon père révolta fort ma mère contre les princes subalternes ; et son dépit fut poussé à bout lorsqu’à la mort de Monsieur elle perdit la charge de chancelier, qui lui avoit coûté cent mille écus. Elle ne cessoit de prêcher à ses enfans qu’il ne failoit jamais s’attacher qu’au Roi ; et dans son testament elle nous le recommande sur toutes choses. Le conseil privé demeura sous la direction du chancelier, et le Roi n’y assista que rarement, et seulement dans de certaines affaires où l’intérêt de l’État sembloit le demander.