Aller au contenu

Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
393
DE l’ABBÉ DE CHOISY.

mière conversation dans laquelle elle eut la bonté de lui conter ses malheurs, il avoit pris le parti de passer en poste en Hollande ; qu’il avoit soustrait jusqu’au premier exemplaire de cette histoire qui lui faisoit de la peine ; et que, moyennant deux mille pistoles qu’il avoit données au libraire, il ne seroit jamais parlé de ce livre, dont il assura que deux exemplaires seulement ne pouvoient se rattraper, l’un envoyé à M. de Louvois, et l’autre au roi d’Angleterre. La joie que ressentit Madame de la singularité de ce service, ne peut s’exprimer, et fit depuis le fondement de toute la confiance que Madame prit en lui sur tous les secrets de son cœur.

L’évêque de Valence m’a montré, quinze ans après la mort de Madame, un seul exemplaire de cette histoire, qu’il avoit gardé pour sa curiosité : il ne ressemble en rien à celui qui a couru depuis sous le même titre, lequel ne contient pas un seul mot de vérité et jamais l’on n’a rien su de cette histoire, Madame ayant brûlé l’exemplaire que le Roi lui remit ; le roi d’Angleterre, son frère, lui ayant pareillement remis celui qu’il avoit reçu, qu’elle brûla ; et l’évêque de Valence ayant vraisemblablement tenu le serment qu’il me fit qu’avant que de mourir il brûleroit ce seul exemplaire qui lui restoit, dont je lus dans ce temps-là plus de la moitié.

Le Roi eut connoissance par Madame de cette noble vivacité de l’évêque de Valence, dont il le loua en particulier, sans que jamais il lui en ait rien témoigné.

La paix, qui duroit depuis le mariage de Sa Majesté, n’étoit guère compatible avec le courage d’un jeune roi qui se sentoit heureux, et dont les grands