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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/421

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MÉMOIRES

moignages de bonté, il fut transféré de l’évêché de Valence à l’archevêché d’Aix. C’est un homme d’une vivacité surprenante, d’une éloquence qui ne laisse pas la liberté de douter de ses paroles, bien que, à la quantité qu’il en dit, il ne soit pas possible qu’elles soient toutes vraies. Il est d’une conversation charmante, d’une inquiétude qui fait plaisir à ceux qui ne font que l’observer, et qui n’ont point affaire à lui. Je me souviens que, dans une conversation où je me trouvai en allant en Italie, entre le cardinal Le Camus et lui, le cardinal lui dit que le Pape lui avoit ordonné de mettre un peu de vin dans son eau, parce que l’eau pure lui gâtoit l’estomac. « Monseigneur, reprit l’évêque de Valence, il devoit bien plutôt vous ordonner de mettre de l’eau dans votre vin. » Et sur ce que, dans la même conférence qui se tint à Vienne, M. de Grenoble lui dit d’un ton apostolique, sur quelque chose qui regardoit la conduite de leurs diocèses, qu’il n’étoit pas venu là pour le gâter : « Ni moi, monseigneur, reprit M. de Valence, pour vous canoniser. » Un jour qu’il vint à Grenoble voir madame de La Baume, elle lui dit, en parlant d’elle-même, que quand une femme approche de la cinquantaine, elle ne doit plus songer qu’à sa santé. « Dites, madame, reprit M. de Valence, quand elle s’en éloigne. » C’est un grand dommage que Montreuil[1], qu’il avoit auprès de lui, n’ait pas ramassé toutes les choses vives et singulières dont sa conversation ordinaire et toute sa vie ont été remplies. Pour moi, j’en ai dit tout ce que j’en ai pu apprendre

  1. Montreuil : Matthieu de Montreuil, auteur de quelques jolis madrigaux, étoit secrétaire de l’évêque de Valence.