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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/453

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MÉMOIRES

fait une si grande figure pendant la régence ; mais l’abbé Le Tellier avoit de bien plus grands desseins, il songeoit a l’archevêché de Reims. Un nommé Saint-Laurent, commis de Mainnevillette, receveur général du clergé, alla à Reims, avec un feuillant qui avoit un grand pouvoir sur le cardinal Antoine, pour tâcher d’obtenir la coadjutorerie. Ils lui persuadèrent que si l’abbé Le Tellier étoit son coadjuteur, il mettroit bientôt son chapitre à la raison par le crédit du ministre, et obligèrent à demander cette grâce, que le Roi lui accorda. Le duc d’Albret en fut averti, et l’alla dire à M. de Turenne, qui prit feu, résolu d’en aller sur-le-champ avertir le Roi, et rompre par là la négociation ; mais le duc d’Albret s’y opposa. « Si l’abbé Le Tellier, lui dit-il, est coadjuteur de Reims, il faut demander pour moi la coadjutorerie de Paris ; et, en cas de refus, la nomination au cardinalat. Le Roi sera si honteux d’avoir fait l’abbé Le Tellier coadjuteur de Reims, qu’il n’osera vous refuser. » Le Roi étoit bien disposé en faveur du duc d’Albret : ma mère, que Sa Majesté honoroit de quelque confiance, lui avoit dit plusieurs fois que le duc d’Albret avoit tout le mérite du monde, et qu’il étoit du bois dont on fait les cardinaux. Elle m’a conté qu’étant un jour dans la chambre du Roi, en attendant l’audience particulière qu’il lui donnoit deux ou trois fois la semaine dans son cabinet, le duc d’Albret y étoit entré, et l’avoit entretenue pendant une demi-heure. Elle s’étoit fait donner ces audiences, en disant au Roi avec hardiesse, pour ne pas, dire effronterie : « Sire, si vous voulez devenir honnête homme, il faut que vous m’entreteniez souvent. Le Roi la fit ap-