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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/459

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MÉMOIRES

furent très-mortifiés devoir le Roi s’adonner à faire des coups d’autorité sans leur en dire une seule parole ; mais surtout ils furent fâchés de la nomination du duc d’Albret au cardinalat, quand ils l’apprirent cinq mois après. Le Tellier et Louvois n’étoient pas des amis de M. de Turenne depuis que la Sorbonne avoit fait une si grande différence entre le duc d’Albret et l’abbé Le Tellier, accordant à l’un toutes sortes de distinctions, et refusant a l’autre les choses les plus communes, tant l’un étoit aimé et estimé, et l’autre haï et peu estimé. Le Tellier se souvint aussi d’un bon mot qui échappa à M. de Turenne pendant le procès de M. Fouquet. Quelqu’un blâmoit devant lui l’emportement de Colbert contre Fouquet, et louoit la modération de M. Le Tellier. « Effectivement, dit M. de Turenne, je crois que M. Colbert a plus d’envie qu’il soit pendu, et que {{M.|Le Tellier a plus de peur qu’il ne le soit pas. » Et de plus M. de Turenne avoit sollicité pour M. Fouquet deux amis intimes qu’il avoit parmi ses juges, savoir, M. d’Ormesson, rapporteur, et M. de Catinat, conseiller de la grand’chambre, qui opinèrent tous deux en sa faveur. Le sieur Lyonne fut assez aise de la nomination du duc d’Albret : il avoit fait avec lui une amitié particulière, et n’aspiroit point à gouverner le Roi, content de faire sa charge avec honneur, de tirer de la cour de gros appointemens qu’il employoit souvent en des dépenses inutiles, et de s’abandonner sans mesure à toutes sortes de plaisirs. Cinq mois après, le Roi déclara publiquement qu’il avoit donné au duc d’Albret sa nomination au cardinalat. Lyonne lui en expédia le brevet, et la lettre du Roi, dont voici la copie