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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 63.djvu/462

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DE l’ABBÉ DE CHOISY.

il n’y eut personne de toute la journée. Le duc d’Albret, par malice, se trouva au sacre dans la foule des docteurs, afin qu’on fît la comparaison de lui et de l’abbé Le Tellier. Les nouvelles manuscrites ne manquèrent pas de marquer la différence de mérite de l’un et de l’autre, la douceur, la-modestie et la capacité de l’un, opposées à l’orgueil et à la pétulance de l’autre. L’abbé Le Tellier étoit entouré de trois ou quatre docteurs qui lui souffloient continuellement de la science. Il avoit assez bonne mémoire, et n’appliquoit pas mal ce qu’on lui avoit recordé : mais quand, plein de lui-même, gros d’argent, bouffi d’orgueil, et ne croyant plus avoir besoin de conseil, il s’est trouvé à la tête du clergé, il a vu les étoiles en plein midi, il a perdu terre, et a été obligé de remettre le gouvernail à une tête qui, quoique très-médiocre, s’est trouvée meilleure que la sienne. Son sacre fut donc d’un grand éclat. Quelque bonne âme prit soin de faire tomber les nouvelles manuscrites entre les mains de M. de Turenne, sur lequel elles firent leur effet. Il courut à Saint-Germain, et supplia le Roi de déclarer publiquement la nomination de son neveu au cardinalat. Sa Majesté lui dit qu’elle le feroit avec plaisir mais qu’il songeât qu’il ne s’étoit converti que depuis huit ou dix jours, et que les huguenots ne manqueroient jamais de dire que c’étoit la récompense de sa conversion. « Je suis trop bien connu, sire, reprit M. de Turenne, pour craindre de pareils discours ; et mon neveu sans moi pouvoit fort bien espérer cette grâce de Votre Majesté. Je me suis converti dans un temps non suspect. — Il est vrai, lui dit le Roi ; que si vous l’aviez voulu faire en 1660,